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L’innovation made in DUO : témoignage de Laurent Carcopino

Dès 2021, les tours DUO, conçues par les Ateliers Jean Nouvel et pour le compte d’Ivanhoé Cambridge, accueilleront les collaborateurs de Natixis dans des espaces de travail parmi les plus innovants et respectueux de l’environnement de Paris. Derrière ces 85 000 m² de bureaux réalisés par Bateg, le regard de Laurent Carcopino, directeur Grands projets, sur le sens que revêt l’innovation dans le cadre d’un chantier si atypique, l’un des premiers menés en full BIM.

Sur DUO, la maquette numérique est utilisée de la conception à l’exploitation du bâtiment. En fin de travaux, les équipes de VINCI Construction remettront un dossier des ouvrages exécutés (DOE) entièrement numérique, un outil de gestion patrimoniale qui reste rare pour un projet d’une telle ampleur. Comment avez-vous mis en œuvre cette démarche full BIM ?

Réaliser le projet intégralement en BIM (Building Information Modeling) est le résultat d’une démarche volontariste dès le début du projet. Pour ce faire, nous avons bénéficié du savoir-faire de Structures Ile-de-France (SIDF) pour la partie gros œuvre, du bureau d’études Ingitech pour la synthèse technique, de notre partenaire VINCI Energies et des équipes d’ingénierie BIM de VINCI Construction pour le BIM Management, tous exercés au BIM depuis déjà quelques opérations. Nous avons également écouté avec beaucoup d’attention les retours d’expérience des tours Trinity et Saint-Gobain sur le territoire, ou de projets d’envergure comme l’aéroport de Santiago du Chili. Très vite, nous avons proposé de réaliser l’étude d’exécution des corps d’état architecturaux (CEA) avec l’aide d’Ingitech Design sans attendre la sous-traitance des lots. Innover, c’est oser bousculer les méthodes, les us et les codes. L’audace a été d’inverser le processus habituel et de réaliser nous-même en amont la modélisation architecturale pour établir un dossier de consultation optimal et exigeant. À la clé : une meilleure appropriation des enjeux, des métadonnées précises notamment en matière de coupe-feu, d’acoustique ou d’isolation, une maquette CEA unique et qualitative, et des coûts rationalisés. Quoi de plus efficace en BIM management que de ne coordonner qu’un seul « modeleur » BIM ? En faisant se rencontrer l’expérience des bureaux d’études et l’exigence de VINCI Construction France, nous avons gagné en qualité, en coût et en rigueur.

À l’instar de notre capacité à produire en propre en phase de travaux, n’est-ce pas une façon de se réapproprier la phase d’études et de mieux maîtriser l’essence technique du bâtiment à construire ?

Oui, maîtriser la manière dont on consulte les corps d’états architecturaux et anticiper les études, c’est se réapproprier un peu plus notre métier… et c’est là qu’interviennent les équipes. Innover, c’est rendre son organisation efficiente et disposer de femmes et d’hommes de compétences. La maîtrise de l’innovation et son appropriation par nos équipes comptent davantage que l’innovation elle-même. Le BIM, ce n’est pas seulement des modèles 3D avec des données ; c’est surtout une organisation repensée et… des compétences bien choisies et bien positionnées.

En quoi DUO a-t-il nécessité des expertises singulières ?

Sur DUO pas un seul étage n’est identique, et chaque plancher a une portée différente. Multiplicité des modes constructifs, façades inclinées avec près de 12 typologies différentes, vêtures et enveloppes de haute technicité, fonctionnement de trois grues sur deux immeubles de grande hauteur (IGH)… le projet relève de la partition millimétrée. Aussi, nous avons créé une équipe rompue aux IGH, composée d’experts gros œuvre issus de notre vivier de compétences internes et de spécialistes que nous avons recrutés, notamment en clos-couvert et en corps d’état secondaires. Réaliser un projet exceptionnel, c’est aussi cela : faire le plein de compétences et prendre du plaisir à travailler ensemble en étant pleinement engagés.

Diriez-vous que l’ère du BIM to Site a débuté ?

Oui, dans la mesure où le BIM est, à bien des égards, au service du chantier. Les façons de préparer, d’organiser, de piloter et d’exécuter les travaux se transforment en profondeur avec le numérique. Cependant, si le BIM peut indéniablement apporter une compréhension complémentaire lors des études d’exécution, une maquette 3D n’est pas, à ce jour, l’outil le plus adéquat pour des compagnons qui coulent du béton. Le plan et le mètre restent une valeur sûre. Sur DUO, nous utilisons le totem digital, véritable bureau à ciel ouvert sur le chantier. Avec son grand écran tactile, c’est le support idéal pour mettre à disposition des équipes les plans 2D sur AutoCAD qui permettent, par exemple, d’avoir la confirmation d’une côte précise. Dans ce cadre, le numérique commence à converger avec le terrain. Il permet de disposer des informations plus rapidement et au plus près des zones de travaux. Une étape a été franchie.